lunes, 22 de febrero de 2016

Foto: Raquel G. Arratia (Café Le Lido - Rouen)

Notre nouvelle vie

Cette aventure commence le 7 juillet 2014


[...] Pourquoi la cave de ma mémoire où habitent deux langues ne se plaint jamais ? Les mots y circulent en toute liberté et il leur arrive de se faire remplacer ou supplanter par d’autres mots sans que cela fasse un drame. C’est que ma langue maternelle cultive l’hospitalité et entretient la cohabitation avec intelligence et humour. Ainsi, que de fois il m’est arrivé en écrivant d’avoir un trou, un vide, une sorte de lacune linguistique. Je cherche l’expression ou le mot juste, mot parfois banal et je ne le retrouve pas. La langue arabe, classique ou dialectale, vient à mon secours et me fait plusieurs propositions pour me dépanner. Ces mots arabes, je les écris dans le texte même en attendant que ceux qui m’ont lâché reviennent. C’est une question d’humeur, de fatigue ou d’errance. Oui, il m’arrive de céder à une errance dans l’écriture comme si j’avais besoin de consolider les bases de mon bilinguisme. Je fouille dans cette cave et j’aime que les langues se mélangent, non pas pour écrire un texte en deux langues mais juste pour provoquer une sorte de contamination de l’une par l’autre. C’est mieux qu’un simple mélange ; c’est du métissage comme deux tissus, deux couleurs qui composent une étreinte d’un amour infini. [...]

Tahar Ben Jelloun "La cave de ma mémoire"